Lettre à Georges

September 6th, 2010 by
Georges,
 
Ma relation avec toi, Georges, a commencé à Mainmise. En 75, je commencait à faire de la bande dessinée et me présentait régulièrement à Mainmise pour rencontrer Claude Fruchier (où est-il celui là?). Petit à petit, j’ai commencé à accomplir des tâches de photo-reproduction, séparation de couleurs, illustrations et mise-en-page pour le journal et même l’impression (du moins tentative) du Répertoire Québécois des outils planétaires sur la Gestetner à côté de la cuisine.
 
Le matin très tôt, au gré des discussions avec toi, Georges, devant le premier café de la journée, et sous le bruit de la Gestetner, on a découvert un singulier intérêt commun, soit l’informatique. Enfin, ce qui allait devenir un intérêt pour l’informatique. Parce qu’au début, on discutait de système et contrôle. Pas dans le sens de “systèmes généraux” mais dans le sens de la cybernétique. Un jour, tu es arrivé tout excité avec une revue où on décrivait un des tout premier ordinateurs qu’un hobbyist pouvait se payer, le Altair. Et la discussion et l’excitation qui a suivi, est, je crois bien, ce qui a soudé notre relation pour les années à venir.
 
Puis, un jour, Mainmise a déménagé ailleurs, Moi je suis parti avec Claude Fruchier, Catherine Thabourin et d’autres pour démarrer Les Ateliers Alternatifs et la revue de BD Baloune. Quelques années ont passé comme ça on se revoyais de temps en temps et on continuait de pomper nos intérêts respectifs pour l’informatique mais sans pouvoir rien mettre en oeuvre.
 
Parti de Baloune, j’ai commencé à véritablement m’intéresser à l’informatique. J’avais enfin les moyens. J’achète un ordinateur. Rien à avoir avec les odrinateurs d’aujourd’hui mais c’est superbement tripant à utiliser.et nous nous rencontrons régulièrement pour passer de longues heures à discuter des possibilitées de ces outils et de qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire avec. On dévorait les revues et journaux d’informatique et on rêvait d’un système intelligent qui pouvait deviner les besoins de son utilisateur. Rien de moins.
 
Et un jour, ça-y-est. On démarre ensemble, une petite entreprise d’informatique: ISI Logiciels Inc. On décide de le construire, ce système intelligent qui pouvait deviner les besoins de l’utilisateur. Le prétexte qu’on utilise est de développer un logiciel de comptabilité parce qu’il y avait un marché pour ça. Mais un système comptable intelligent. Pas le genre de système comptable qui avait cours dans ces années.
 
Christian Allègre est venu se joindre à nous au milieu de cette aventure. On en as-tu passé des heures là dessus pendant toutes ces années qu’a durée cette aventure. Mais ça a porté fruit. On a fini par concocter un système comptable qui connaissait les règles comptables et qui pouvait assister les utilisateurs. L’interface utilisateur était superbement avancée en comparaison à ce qui se faisait à l’époque. Et le système a remporté plusieurs succès et reconnaissances.
 
Puis, un jour, Georges, tu décides de partir pour le Sri Lanka. Je comprenait parfaitement ton désir de te donner les moyens d’aller explorer ailleurs d’une part et explorer les systèmes complexes par le biais de l’informatique sans avoir à rencontrer les exigences du marché d’autre part. La comptabilité nous avait considérablement fait dévier de nos véritables intérêts pour les systèmes complexes. En rétrospective, la comptabilité était un système trop simple.
 
Au cours des années qui ont suivi, s’est retrouvé de temps en temps soit par le biais de courriels soit lors de tes visites à Montréal et on discutais de nos explorations respective. Toi, explorant la vie artificielle: code génétique, croisement, mutation, sélection naturelle. Et moi explorant l’intelligence artificielle: réseaux de neuronnes, apprentissage, adaptation, sélection naturelle.
 
Je te suis extrèmement redevable, Georges d’avoir été là dans ces années comme compagnon. Tu as eu l’effet d’une catastrophe dans ma vie (dans le sens systémique du terme (voir la théorie des catastrophe). Tu comprend ce que je veux dire). N’eut-été de ton amitié, je ne serais définitivement pas là où je suis aujourd’hui. Mille fois merci et repose en paix.
 
Yves.
 
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3 Responses to “Lettre à Georges”

  1. bruno boutot Says:

    Wow!
    Quelle belle histoire!

    L’informatique était à l’époque bien loin de mes préoccupations et javais oublié l’aventure ISI.

    J’écrivais tous mes articles sur un Underwood 1935 que Georges m’avait offert en 1978 en me disant: “Écris, maintenant.”

    Et je trouvais complètement fous Georges et Michel Bélair qui s’étaient acheté des “ordinateurs” IBM. Avec la boite, l’écran et l’imprimante ils étaient plus gros qu’une machine à laver le linge et coûtaient 15 000$. Mon Underwood me faisait vivre et devait me coûter 30$ par an en rubans d’encre et liquide blanc “Liquid paper”! 🙂

    Quand je pense qu’on ne parlait presque pas d’informatique à Baloune.
    Plus de Louis Cyr en format cartonné!
    Mais toi, Yves, ça t’a fait faire pas mal de chemin dans l’aristocratie des codeurs!

  2. Christian Allègre Says:

    Magnifique histoire, Yves, que je connaissais, bien sûr. Moi aussi, j’ai mordu à l’informatique. Je me rappelle encore, en 1975, Georges ramenant le premier numéro d’un magazine mythique : BYTE. Sur la couverture, une nouvelle sensationnelle : une puce de 8 KB ! WOW ! Quand on pense qu’aujourd’hui, on mesure plutôt en centaines de GB ! Georges, acoquiné avec Claude Gervais à ISI, m’a vendu mon premier ordinateur en 1981. J’ai hésité entre le PC d’IBM qui venait de sortir (et que Serge Proulx a acheté, lui, si mon souvenir est bon) et un Système Clé d’IBM, une machine qui ne faisait que du traitement de texte. Je l’ai utilisé pour la traduction d’un livre d’Isaac Asimov sur l’intelligence extra-terrestre. Le Système Clé utilisait deux floppy disks de 8″ (un pour le programme, un pour les données), qu’on insérait dans un toaster qui pesait une tonne. Michel Bélair en a eu un aussi. Plus tard j’ai acheté un PC-AT, la Cadillac du genre, qui avait une vitesse d’horloge de 4 Hz !!! LOLLL !
    Effectivement je vous ai rejoint, toi et Georges, à ISI Logiciels. J’ai écrit le manuel de l’utilisateur d’ISIS 2.22, car tel est le nom du logiciel pour l’enseignement de la comptabilité que nous mettions au point. Je me souviens que tu m’utilisais régulièrement pour faire de l’assurance Qualité et juger de l’interface Utilisateurs…
    Je me souviens qu’on voyait souvent Ted Khal, le père de Georges, à l’époque, qui essayait de nous aider à vendre ISIS 2.22 aux commissions scolaires… Quelle époque !
    Peu après j’ouvrais Poodles avec des amis… C’étaient les années 80 ! Le départ de Georges en mars 1986, puis le décès de Marie-Thérèse en septembre 1986… Mais c’est une autre histoire.

  3. Benoit Lord Says:

    Ça me fait chaud de lire Yves et ses souvenirs de ISIS et de cette palpitante époque. J’étais alors au service de la cie parente ISI Formation, sous le règne du fougueux et téméraire Claude Gervais. Ouais! Je me souviens bien de ce ISIS d’une convivialité avant la lettre. Et que dire de l’accueil chaleureux des profs de cégep à qui je le présentais. Ouais! De bons souvenirs. Et ce Georges. J’étais suspendu à ses lèvres tant j’admirais son niveau de langage, toujours aux aguets de son humour et de sa méthapore.

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