Aesthetic Radicalism and the Counterculture

October 26th, 2015 by bruno boutot

The Barricade and the Dance Floor: Aesthetic Radicalism and the Counterculture par Andrew Blauvelt

Remarquable [et très long] essai accompagnant l’exposition Hippie Modernism: The Struggle for Utopia au Walker Art Center de Minneapolis

Theodore Roszak invented and popularized the term counterculture to distinguish it from the notion of a subculture—signaling the sweeping oppositional nature of the movement that existed against, not merely as a subset of, the existing culture.

That plenitude was not universal and that freedom was an experience enjoyed by a privileged majority did not go unnoticed by a younger generation. Accordingly, any revolution would come not from the working class realizing its alienation from its own labor, but rather from a new youth movement that resists its inculcation into such a system in the first place and joins together with the dispossessed already operating outside of it.

In their struggle to create a new social, cultural, political, and ecological utopia, the counterculture expressed its political activism and activated its cultural radicalism in new and imaginative ways. By doing so, it created a new sensibility or aesthetic in the broadest sense. It is this sensibility that I’ve defined as a hippie modernism—an aesthetics of refusal—one that rejects the given parameters of a practice, obviates the boundaries of a defined field, or alters the course of an instrumental technology.

Fondation et production de la revue Mainmise (1970-1978)

October 7th, 2015 by bruno boutot

D’abord, Rolland Vallée m’envoie la photo d’archives ci-dessous. Je cherche donc dans Google la date du numéro 27. Et voilà ce que je trouve: Jean-Philippe Warren, auteur du prochain livre sur la contre-culture mentionné ici, a publié en 2012 un article sur l’histoire de Mainmise dans la revue numérique Mémoires du livre – Studies in Book Culture, intitulé Fondation et production de la revue Mainmise (1970-1978):

…plutôt que de s’intéresser au contenu idéologique de la revue, le présent article cherche à comprendre le contexte d’apparition de Mainmise et ses conditions de production.

Formidable contribution avec une très riche bibliographie. Merci Professeur Warren!

Et merci Rolland Vallée pour cette photo historique et velue:

ROLAND-MICHEL-MM

Rolland Vallée et Michel Bélair, avec le numéro 27 de septembre 1973 (42 ans!)

Paule Lebrun: Mainmise et la contre-culture

October 7th, 2015 by bruno boutot

Communiqué de Ho, Rites de passage, transmis par Christine:

Paule Lebrun sera l’invitée de l’émission “Aujourd’hui l’histoire” le vendredi 9 octobre, à 20 h, à la radio ICI PREMIÈRE de Radio-Canada. Elle y parlera du magazine Mainmise et de contre-culture dans une entrevue passionnante! L’émission sera disponible sur le site web de Radio-Canada après sa diffusion.

PAULE-LEBRUN

Paule Lebrun a été la dernière rédactrice en chef de Mainmise (1977-1978).

Les hippies ont clairement gagné la guerre des cultures

October 6th, 2015 by bruno boutot

Un article intéressant transmis par notre ami Serge Cabana:

It is now clear that the hippies won the culture war:

As blue jeans, beards, body adornments, natural foods, legal marijuana, gay marriage, and single parenthood have gained acceptance in mainstream American society in recent years, it is now clear that the hippies won the culture wars that were launched nearly fifty years ago.

L’article m’a été transmis dans Raw Story mais avait été originellement publié dans History News Network

L’auteur est W. J. Rorabaugh, professeur d’histoire à l’université de Washington à Seattle, spécialiste des années 60 et auteur du livre American Hippies, paru en juin 2015.

AMERICAN-HIPPIE

Article français sur l’histoire de Mainmise

September 28th, 2015 by bruno boutot

Document:

Article paru en janvier 2015 sur le site du magazine français Gonzaï:

Mainmise: L’histoire du cousin québécois d’Actuel

Un historique relativement bien informé, intéressant à lire et écrit avec un certain souffle;

par Boris Hackman, sans doute le pseudo d’un journaliste qui écrit fort bien (mais qui ne cite aucune source), sans doute français et Montréalais par sa connaissance des deux cultures (à part qu’il se trompe sur le nom de famille de Christian).

Il y a très peu de traces de lui sur le Web malgré l’aisance de son écriture et ses jugements à l’emporte pièce sur les contre-cultures québécoise et française. Donc peut-être quelqu’un qu’on connait – ou que l’on gagnerait à connaitre – mais qui se cache. Qu’il n’hésite pas à se manifester.

41e anniversaire

September 25th, 2015 by Claude Fruchier

 

Claude Fruchier

© Claude Fruchier

Eh oui, bientôt le mois d’octobre. Mainmise aurait 41 ans… Si mes calculs sont bons, ce serait le numéro 532 ! Amusant de fêter ça. Mais comment ? Oui, bien sûr, se retrouver pour boire un coup, peut-être même se faire un petit restau. Tout le monde a les moyens, maintenant !

Mais bon, ces réunions d’anciens combattants (vieux freaks comme dirait Christine), ça a quelque chose de… de… enfin quoi, vous voyez ce que je veux dire… En plus, c’est l’occasion de se rendre compte que tous les autres sont vieux. Pas moi, bien sûr. Seulement les autres. Même les plus jeunes, on ne les reconnaît plus tellement ils sont vieux.

Alors, faire autrement? Tiens je me suis demandé: et si tout ce beau monde (enfin, celui qui reste), qui a vécu des choses formidables, s’est enrichi de nombreuses expériences, si tout ceux-là décidaient de faire un numéro de Mainmise…

Qu’est-ce qu’ils y mettraient? Peut-être des flash-backs du passé lointain, un peu. Mais ça ne suffirait pas. Faudrait peut-être des considérations sur l’aujourd’hui, qu’est-ce qu’on est devenus? Peut-être aussi des visions d’avenir, à quoi ce monde-là croit-il encore ? Vu la planète que nous avons construit pour nos enfants, vers quoi peut-on espérer se diriger ? Le village global a-t-il conduit seulement au flicage global?

Actuel l’a fait plusieurs fois. Pourquoi Mainmise ne le pourrait-il pas? Imaginons Michel Bélair en rédac-chef ( et auteur d’un article de tête: “Du Devoir au Devoir en passant par Matane”), Christian capable de tout, Bado ou Yves Poissant pour les images, Christine…

Je suis certain qu’avec tout ces chums qui travaillent dans les média, on pourrait même trouver un éditeur, et même de la pub pour financer. Et moi, je peux même faire une mise en pages mieux qu’avant (avec les outils modernes, quelle facilité!).

D’accord, je rêve. On est probablement tous trop vieux, on n’a pas le courage, le temps, faut donner à manger aux chats et prendre le rendez-vous pour la coloscopie…

Alors tiens, pour finir, une image de Christian…

© Claude Fruchier

© Claude Fruchier
Claude Fruchier

Claude Fruchier

Né en France en 1946. Instituteur à ses débuts, puis dessinateur, illustrateur, graphiste, enfin réalisateur de films, surtout documentaires, destinés pour la plupart au système éducatif. Aujourd'hui retraité (mais pas inactif) et heureux de l'être...

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Nostalgie

September 23rd, 2015 by Claude Fruchier

C’était à mon arrivée à Montréal, en 1971. Hébergé à l’Université, je suis tombé sur Mainmise n°5. Plusieurs mois après, très intimidé, j’ai osé pousser la porte de la rue Emery, et je suis reparti avec un disque de Led Zep.

Quelques mois encore, et je suis allé proposer mes premières bandes dessinées (qui n’étaient pas terribles, il faut le dire), cette fois au 1589 St-Denis. Première publication dans le n°30. Et puis d’autres.

Et puis au moment de repartir en France, Georges m’a proposé de venir habiter et travailler à Mainmise. Logé, nourri, quinze dollars par semaine. Génial !

Je n’ai pas hésité, j’ai tout lâché, et en avant pour la grande aventure… C’était au moment du n°40, numéro anniversaire d’octobre 74. J’étais chargé de faire la mise en page, et je n’ai pas osé dire que je n’y connaissais rien.

Mais bon, le numéro est sorti, et puis plein d’autres encore, jusqu’au numéro 71 où c’est moi qui suis sorti pour m’occuper de Baloune, avec le dévoué Yves Poissant et la regrettée Catherine Thabourin. Mais ceci est une autre histoire…

Pour compléter, un polaroïd pris à l’occasion d’un anniversaire de GK fêté chez Gisèle Beaudoin (avec la présence rare de Jean Basile). Sachez les reconnaître!

group MM+GK

D’en haut à gauche, dans le sens des aiguilles d’une montre:

Catherine Thabourin, Claude Fruchier, Robert Beaudoin, Jean Basile, Christian Allègre, Jean-Marie Comeau, Christine L’heureux, Georges Khal, Gisèle Légaré-Beaudoin, devant elle: Marie-Thérèse Chauvet, Bruno Boutot. 1979?

Claude Fruchier

Claude Fruchier

Né en France en 1946. Instituteur à ses débuts, puis dessinateur, illustrateur, graphiste, enfin réalisateur de films, surtout documentaires, destinés pour la plupart au système éducatif. Aujourd'hui retraité (mais pas inactif) et heureux de l'être...

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Psychedelic Soul

September 18th, 2015 by bruno boutot

Cher Georges, WTF?

September 13th, 2015 by bruno boutot
PLAYINGGOD-STEPHENYULL
«C’est merveilleux à chaque fois, n’est-ce pas?»
Playing God, illustration de Stephen Youll, 1998

Le 9 septembre, cette semaine, c’était l’anniversaire de Christine: 9/9, facile de s’en souvenir, donc je m’apprête à lui envoyer un mot, comme chaque année. Mais en vérifiant son adresse de courriel, surprise, je découvre qu’elle m’a envoyé un mot quelques semaines auparavant!

Explication sommaire: j’ai changé de lunettes, d’ordi, de système d’opération, d’écran, de clavier et j’aurais changé de cervelle si j’avais pu. Bref il y a du lousse dans les machines numériques et biologiques et des data passent parfois au travers des mailles de mon web.

La deuxième surprise est le sujet du courriel de Christine. Qu’est-ce que tu crois? Toi, évidemment, mon coco, ou ton avatar ici-même:

Salut beauté!
Le hasard a fait que je me suis retrouvée sur ton site « Pas Pied » et j’ai pris beaucoup de plaisir à relire tout ce qui s’y trouve.
Tu as fait un travail magnifique!!!!
Je me demandais si ce site est toujours vivant et de quelle façon on peut y ajouter des commentaires.
Toi qui sais tout, dis-moi.
À partdesta, ça va papire pantoute… et encore mieux quand il y a du soleil.
Bises.

Oh shit! WTF Georges? Paspied! Sans jeux de mots, c’est un peu chez moi – ou une extension de – mais je n’y ai pas mis les pieds depuis une éternité.

Va falloir que j’aille voir dans quel état il est. Ouais, mais ça va être du trouble. Minime, mais trouble: retrouver le mot de passe, me faire assailllir par les mises à jour, s’assurer que le back-up est en place, toutte le kit.

Pas maintenant, j’ai un deadline, mais un peu plus tard. Demain, après-demain, les priorités s’imposent prioritaires, et qu’est-ce qu’un jour ou deux de retard pour une fête quand on se voit tous les deux ou trois ans par hasard sur un bord de trottoir. Deux ou trois ans! Tabarnak! Ha ben oui, tiens, faudrait bien boire un verre un jour.

Ah et bien sûr, Georgie on my mind, ça m’a fait penser à toi et au blasphème prononcé à ton endroit il y a à peine quelques semaines. Un de nos vieux amis – aux 40 ans de Racine, oui-oui! – évoquait ta mémoire et je lui ai énoncé ce verdict lapidaire: “Un être angélique profondément fucké par une enfance terrible et les gens qui l’en ont sorti, qui a brûlé comme un éblouissant génie à la face du monde pendant dix ans avant d’être rattrapé par ses démons qui l’ont consommé et consumé à petit feu jusqu’à la fin de ses jours.” L’ami n’était pas content. I stand by it, baby. Love you too.

Et puis hier mon gars d’ordi me réclame une facture qu’il ne m’a jamais envoyée. Il n’y pas que moi qui se trompe dans les circuits de ces machines. Bien sûr j’ai d’abord cherché partout, y compris dans mes spams, que je n’ai pas visités depuis plusieurs mois. Et qu’est-ce que j’y trouve? Ha non, je ne vais même pas faire de présentation cute:

Claude Fruchier
Sep 8
to Bruno
Cher monsieur Boutot Bruno,

je me présente : je suis un vieux bonhomme de près de 70 ans qui refusait depuis de nombreuses années de céder à la pression de toutes ses connaissances en évitant d’être connecté à Internet.
Mais avec l’âge, les défenses faiblissent, et finalement, ils m’ont eu.
Depuis quelques semaines, je suis comme tout le monde : connecté, et avec une adresse mail. C’est binaire et c’est un peu triste, mais je survivrai à ça aussi…
Alors, pour jouer, je suis allé voir si la toile gardait des traces de choses nostalgiques, et je suis tombé sur le blog PASPIED.
Même s’il semble inactif depuis un moment, j’ai pensé que je pouvais peut-être y apporter une modeste contribution.
Alors, à défaut d’être parrainé par un des membres, je m’adresse au chef pour lui communiquer cette belle photo de GK issue de mes archives polaroïd…
J’en ai plusieurs autres, représentant des membres du blog PASPIED, prises il y a bientôt 40 ans de ça…
C’était il y a longtemps, mais c’est toujours présent.
Bises à tous.
Claude

 

khal-ClaudeF

 

WTF GEORGES?!?

Christine, il y a deux ou trois ans mais je sais qu’elle existe pas loin, sur la Rive Sud ou dans la France Sud dans le même village que Bélair, pas à portée de la main mais à portée de courriel.

Claude? Fucking Claude est en France mais il a disparu – volontairement – de la planète il y a près de 20 ans! 20 ans! Comme je suis pas mal agile sur Google je l’y ai cherché quelques fois, mais il a si bien effacé ses traces, ce calisse de Claude, qu’il n’est nulle part, peut-être mort.

Au printemps dernier, au Festival international de la Bande dessinée à Montréal (oui, ça existe, près de chez moi, sous une grande tente blanche dans le parc La Fontaine) un célèbre auteur québécois m’a offert (cadeau!) un paquet de ses albums quand il a appris que j’étais présent aux débuts (et à la fin) de Baloune! Crisse, pas même capable d’échanger un clin d’oeil ou une photo avec cet enfoiré de Claude. Fuck him too.

Et voilà! Claude is back lui aussi. Avec ta photo! Et plein d’autres! En même temps que Christine! Et lui aussi par ton avatar, ce site sans pied ni tête abandonné de tous depuis trois ou quatre ans? WTF!?

Manquerait plus que Christian, tiens. Est-ce que je lui envoie un mot? Non, déconne pas, ça suffit comme ça. Laisse Christian tranquille. Il a failli venir chez nous à la Saint-Valentin 2013 mais bon, son chum est trop timide, ça arrive. Tiens, quand j’aurais répondu à Christine et à Claude, s’ils postent quelque chose sur Paspied, je préviendrais Christian.

Dimanche pluvieux. Michèle a le rhume donc on ne va pas au cinéma (on voulait voir “The Visit” de Shayamalan). J’ai encore un deadline mais je suis un expert en procrastination. Profitons-en pour jeter un coup d’oeil à Paspied. Retrouver le mot de passe. Ne pas le retrouver. Changer de mot de passe. Se tromper d’adresse. Recommencer. Avoir accés au site. Voir un texte de Christian. Dois dater de 2012. Aller dans le dashboard. Regarder ce qui se passe. Pas grand chose. Jeter un oeil aux derniers articles postés…

WTF GEORGES KHAL?!?!?!

Il n’y a pas UN mais DEUX articles de Christian, datés du 25 et du 28 août 2015!!! Il y a deux semaines!!!! Encore un glitch? Je lui envoie un mot rapide pour vérifier. Il répond dans la demi-heure: oui, c’est bien posté récemment.

Entretemps j’ai lu les articles, superbes, sur les débuts de Mainmise, la contre culture (CC!!!), toi, Georgie, Jean et toute la patente. Un texte splendide.

Bon, voilà, c’est ça qui est ça. Je vais de ce pas inscrire Christine et Claude et les prévenir tous les trois par courriel.

Tiens, le même courriel pour les faire freaker un peu.

Héhé: chacun son tour de croiser des fantômes.

On verra bien.

Mais s’il te plait, Georges, sort de mon ordi maintenant.

Ça suffit les surprises. Ça suffit les bugs.

Et puis, j’ai un deadline.

Questions et réponses sur Mainmise et la contre-culture (2 de 2)

August 28th, 2015 by Christian Allègre

Jean-Philippe Warren, satisfait de mes réponses, demanda cependant des précisions, sur de graves questions, auxquelles je n’ai répondu que partiellement, en donnant des précisions qui répétaient plus ou moins ce que j’avais déjà dit :

——– Message transféré ——–

Sujet : décidément !
Date : Thu, 28 May 2015 07:15:52 -0400
De : Jean-Philippe Warren <jphwarren@sympatico.ca>
Pour : Christian ALLEGRE <allegre@bell.net>
Cher Christian,
J’ose vous poser encore deux questions car il y a un aspect de la contreculture et de Mainmise qui n’est pas encore tout à fait clair à mes yeux. Voici donc mes deux questions:
1- Quel est le rapport de la CC au nationalisme. D’un côté, MM semble très loin de la vague nationaliste québécoise. Et d’un autre côté, des gens comme Raoul Duguay semble faire le pont. Y a-t-il contradiction? Complémentarité?
2- Dans les années 1970, le combat socialiste est très fort au Québec (syndicats, maoïsme, etc.). La CC est définitivement à gauche de l’échiquier politique. En même temps, on peut dire qu’elle est ailleurs. Comment expliquer ce paradoxe apparent?
Un immense MERCI d’avance !
Jean-Philippe Warren

De : Christian ALLEGRE [mailto:allegre@bell.net]
Envoyé : 31 mai 2015 20:38
À : Jean-Philippe Warren
Objet : Re: décidément !

Bonjour Jean-Philippe,

Si vous réussissez à bien articuler ces questions, nous vous devrons beaucoup, votre livre sera d’une réelle utilité pour comprendre cette période historique. Vous devez vous faire votre propre idée, mais voici quelques traits d’époque. Les années 70 furent les années utopiques. Ici comme en Europe. Les mots clefs sont liberté, libération, transformation, retour à la nature, fraternité, ouverture, Gemeinshaft plutôt que Gesellschaft.

Une anecdote : au printemps 1970, Georges Khal et moi avons acheté chacun une veste kaki d’armée dans un surplus. Sur le dos, nous avons inscrit au feutre noir chacun notre devise du moment : “It’s all in your mind” pour Georges, “Let it be” pour moi. En anglais donc, dans les deux cas, et marquant deux épistémologies, au sens de Bateson. C’est habillé de cette façon qu’un jour que nous marchions rue Ste-Catherine ouest avec chacun un masque à gaz sur le visage, masque acheté également au surplus d’armée, que nous nous sommes faits arrêter et embarquer par la police. Dans l’auto, j’ai expliqué que nous protestions contre la pollution de l’atmosphère, et j’ajoutai que je travaillais pour Le Devoir. C’est peut-être pour cela que les policiers se sont contentés de nous raccompagner à la maison, rue de Bullion. J’appelai immédiatement Le Devoir et le lendemain un article ironique paraissait dans le quotidien.

Mon engagement à moi et mes thèmes favoris furent toujours l’écologie et les modes de vie alternatifs, l’histoire et la sagesse des Indiens d’Amérique et l’éveil spirituel. Jamais ni moi ni mes amis de MM n’avons cru à la lutte politique, qui n’est qu’une lutte pour le pouvoir. Nous voulions essayer de vivre autrement.

Notre révolte s’adressait aux codes rigides de la vie et de la classe bourgeoise, l’Establishment économique et social, aux mains accaparantes des possédants, surtout anglais, l’égoïsme, l’avarice, la cupidité des capitalistes et de ceux qui étaient engagés dans la “rats’ race”. Nous rêvions d’un monde sans luttes, sans compétition. Un bourgeois, c’est qqun pour qui la stabilité des institutions ne doit jamais être menacée, car la contestation n’est pas bonne pour le commerce. D’où la répression. Le commerce prospère en temps de paix internationale et de calme social. C’est Voltaire qui nous a appris cela à son retour d’Angleterre. Mais surtout un bourgeois, c’est quelqu’un qui croit que l’être humain est incapable d’une transformation totale (dixit Claude, l’avocat fils du vieil écrivain dans le film de Resnais, Providence). Or c’est de transformation que nous rêvions. C’est le point qui nous liait tous.

Georges Khal était un esprit philosophique doué d’une capacité d’intellection hors du commun, très intéressé par la cybernétique, les systèmes généraux, la morphologie. La métaphysique m’intéressait, lui c’était plutôt la science. Mon intérêt pour la pensée française l’a forcé à lire en français et à pratiquer une fusion entre les pensées française et américaine, dont vous pouvez voir le résultat dans le No 66 de La Nouvelle Barre du Jour (mai 1978). Comparez cet article à ce qui se publiait au Québec à cette époque et vous comprendrez.

M’étant révélé bisexuel, ou homosexuel à temps partiel, j’ai toujours aimé la marginalité. Sexe, drogues et R&R, oui, c’est bien nous, mais les trois comme moyen non seulement de jouissance, mais aussi de connaissance. Il serait plus juste de dire : bisexualité-sensualité libérée, hallucinogènes, et musique tout court. Ainsi la rencontre internationale de la contre-culture d’Avril 1975 invite deux vieux poètes beatniks, farouches marginaux individualistes : Allen Ginsberg et William Burroughs, qui avaient tout essayé bien avant nous, et qui étaient deux grandes figures de l’homosexualité ouverte et affirmée.

Vieille divergence : pour les uns les mauvaises institutions sont responsables de la corruption et du malheur humains, alors que pour les autres au contraire ce sont les faiblesses humaines qui corrompent les institutions et détruisent le bonheur.  L’Abbaye de Thélème ou la petite société du Décaméron ? Pour nous la justice n’était possible que dans un autre mode d’organisation sociale, une alternative. D’où notre préférence pour le retrait de la course, le retour à la Nature, que nous imaginions généreuse et amicale. “La vraie nature de Bernadette”, le film de Claude Jutra montre avec humour l’ambiguité et les difficultés de ce choix.

À MM, nous parlions d’utopie comme s’il s’agissait d’Arcadie. Au lancement du No2 de Mainmise, invité à la télévision de Radio-Canada, je me rappelle avoir répondu à la question de Wilfrid Lemoyne : “Christian Allègre, qu’est-ce que l’utopie? “, “C’est ce qui est à réaliser [ou réalisable] immédiatement !”

Avril 1975, pendant la Rencontre de la CC, Ch. Allègre invite à Mainmise Paul Chamberland (alors ex marxiste) et Jacques Dion (marxiste) à discuter du soi-disant apolitisme de la CC. Présent aussi : George Khal. Publication sans travail d’édition (sans mise en scène) ou presque dans le Devoir. Hélas tronquée par Jacques Thériault.

Paul Chamberland incarne la complémentarité dont vous parlez, mais je préfère le mot de continuité. De Parti Pris à Mainmise, il y a un passage, une évolution, qui a sa logique. Raoul Duguay dans une certaine mesure.

Les fondateurs de MM ne sont pas nés au Québec. La question du nationalisme ne peut vraiment être comprise qu’avec l’expérience vécue d’être né Québécois. Nationalisme : une notion surannée pour les fondateurs de Mainmise, dont aucun n’avait l’expérience d’une enfance vécue au pays. Mais compréhensible intellectuellement et assimilable psychologiquement à partir des témoignages et des données historiques. Le défilé des jeunes le lendemain des élections générales de novembre 1976, sur la rue St-Denis, est un grand souvenir pour moi et un moment clé, un déclic a eu lieu, une prise de conscience.

Ceci dit le Québec a toujours été présenté dans MM comme une terre promise, le lieu où l'”utopie” était possible et réalisable. Nous sommes les enfants d’un grand livre paru à cette époque là : “Small is Beautiful” (E.F. Schumacher), qui préconisait une économie de subsistance contre la croissance et la consommation de masse (le rêve américain), petite production agricole, artisanat, petit capitalisme comme expliqué par Fernand Braudel, et troc. Nous voyions le Québec comme le lieu de l’autosuffisance plus que de l’indépendance économique et politique, car nous avions en tête avant tout l’interdépendance écologique, et cette interdépendance nous faisait douter du nationalisme.

J’espère vous avoir été utile.

Ch.

Christian Allègre

66 ans en 2010. Né en France. Transplanté en terre québécoise en 1968. Durant l'hiver 1969, rencontre d'abord Jean Basile, alors directeur des pages culturelles du quotidien Le Devoir, puis, chez ce dernier, Georges Khal, pusher de génie. De l'amitié qui se noue alors et des échanges entre ces trois compères est née l'idée de Mainmise.

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