Mainmise et la liberté sexuelle
February 28th, 2011 by Christian AllègreSamedi 26 février 2011. Nuit blanche à la Grande bibliothèque, dans le cadre du “Cabaret pas tranquille” mis en scène par Olivier Kemeid et présenté par Stéphane Crête : Linda Gaboriau et Christian Allègre, les deux seuls survivants de la première équipe de la revue Mainmise, lisent “Mainmise et la libération sexuelle”, manifeste écrit par Jean Basile et paru dans le No 10, janvier 1972, de Mainmise. #
MAINMISE, ORGANE QUÉBÉCOIS DU ROCK INTERNATIONAL, DE LA PENSÉE MAGIQUE, ET DU GAY SÇAVOIR. #MAINMISE et la Liberté sexuelle, par Jean Basile
- La lutte pour la liberté à laquelle nous assistons en ce moment est généralement reconnue comme étant une lutte pour la liberté individuelle. La liberté sexuelle n’est donc pas isolée de cette liberté de l’individu dans un monde libre. Le principe de base est simple : chaque individu possède le droit naturel d’utiliser son propre corps comme il veut, sans avoir à ressentir la peur, la honte qui lui sont imposées par d’autres individus. De même, personne ne peut imposer ses volontés sur le corps d’un autre.
- Violer quelqu’un est imposer ses volontés sur le corps d’un autre. Être nu ce n’est certes pas imposer ses volontés. De même, faire l’amour en public avec un partenaire consentant, ce n’est toujours pas imposer ses volontés sur les autres.
- La perversion n’existe qu’en tant que mot. Si la liberté individuelle doit exister, la liberté d’explorer toutes les possibilités de notre corps érotique est nécessaire.
- De même, la liberté individuelle nie radicalement les rôles sexuels; l’homme n’est pas plus dominant que la femme n’est soumise. Cette conception maître-esclave doit être rigoureusement abolie car, en un tel cas, tout le monde perd.
- Par surcroît, nous devons abandonner aussi l’idée de jouer aux commerçants avec notre érotisme. Aucun homme ne devrait penser qu’il achète une femme de ménage en se mariant; parallèlement, aucune femme ne devrait penser qu’elle achète la sécurité au même titre que l’homme épousé lui achète une machine à laver.
- Les objections à la liberté individuelle sont nombreuses. Les larmes et les huées sont partout. La notion d’immoralité surgit des larmes de ceux qui s’opposent à la liberté que nous voulons. Nous ne pouvons que leur répondre: “Pratiquez VOTRE moralité; nous pratiquerons la nôtre”. Ils vont nous dire que nous poussons à la tentation ceux qui sont faibles. Mais personne ne peut rien contre la faiblesse des autres. Chacun doit prendre conscience de sa force et de sa faiblesse et agir en conséquence.
- “Mais nos petits enfants…” diront-ils. “Comment, diront-ils, allons-nous protéger nos petits enfants de cette immoralité?”. Nous répondrons d’abord que personne n’a été capable de protéger les petits enfants de tout le mal qu’on leur a fait durant les siècles passés: l’enseignement de la violence, de la domination, etc… Si les petits enfants appartiennent à quelqu’un, c’est d’abord à eux-mêmes… puis après, au monde entier.
- “Mais, diront-ils, en se frappant la poitrine, vous ne pouvez dénier ce que ressent la pauvre mère pour son propre enfant”. Non. Nous ne pouvons pas nier ça. Nous ne pouvons pas nier davantage que cet instinct maternel existe chez tous les animaux, de la naissance au sevrage. Après, nous ne pouvons pas dénier que ça s’appelle la possession.
- “Et le mariage, vont-ils crier, et le mariage. Vous allez détruire le mariage”. Nous répondrons que le mariage est, actuellement, la soumission à un contrat légal qui lie un partenaire à l’autre. selon la norme actuelle de l’existence de la propriété. Ceux qui entendent passer entre eux un tel contrat, sont parfaitement libres de le faire. Cependant PERSONNE, ni individu, ni groupe, ni couple ne devraient être obligés de soumettre leur relation mutuelle à un tel genre de contrat.
- “Vous allez remplir notre beau monde de bâtards, vont-ils dire encore”. Les bâtards sont aussi des êtres humains, nous leur répondrons. Ce mot de bâtard n’est, en fait, qu’une marque de commerce destinée à blâmer, non pas l’enfant, mais ses parents pour un crime qu’ils auraient commis contre la loi.
- La liberté sexuelle est authentiquement une partie de la liberté individuelle. L’une n’existera pas sans l’autre. Et c’est, ouvertement, une partie de notre combat.
[Ce manifeste était suivi, dans le numéro 10 de Mainmise, de dédicaces. Voici celles que nous avons choisi de lire:]
- aux fronts de libération des femmes, pour nous avoir prouvé que les chaudrons valent bien les fusils;
- aux fronts homosexuels, pour avoir redonné aux homosexuels la dignité qu’on leur avait enlevée.
- à Allen Ginsberg qui a réussi les chefs-d’oeuvre de réunir en lui cinq minorités: communiste, drogué, homosexuel, juif, poète… puis de les assumer toutes dans le sourire et le calme.
- à Bouddha qui a eu la sagesse d’inclure le sexe dans ses pratiques, au lieu de l’enfouir dans un tiroir.
- à Woodstock, pour avoir fait de la nudité un acte de musique pure.
- à tous les lecteurs de Mainmise, pour comprendre qu’au-delà des images, il y a une vérité qui s’appelle l’Amour et que l’amour ne peut pas exister sans liberté.